
Jusqu’en 1986, à l’image de l’Église, Jean Paul II s’était peu exprimé sur l’homosexualité . En 1975, toutefois, face à cette réalité sociale et politique émergente, son mentor Paul VI avait fait rappeler par la Congrégation de la Doctrine de la Foi que l’homosexualité, au même titre que la masturbation et la pornographie, était moralement mauvaise et que la société n’avait pas à l’accepter.
Alors que nombreux problèmes pastoraux se posaient, notamment en Europe et en Amérique du Nord, beaucoup étaient impatients de savoir ce que pensait le nouveau pape. Faut-il donner l’absolution lorsqu’un catholique homosexuel, en couple, meurt sans vouloir se séparer de la personne avec laquelle il vit ? Avec l’épidémie du sida, la question se pose souvent. Que faire en tant que prêtre lorsque des homosexuels fréquentent les paroisses ? Et comment, en tant qu’évêques, se positionner face aux demandes politiques de lutte contre les discriminations ou de nouveaux droits civiques ?
Jean Paul II, docteur et professeur de théologie morale, ne pouvait pas laisser passer une occasion de rappeler ses certitudes et comme sur d’autres dossiers, enjambant la collégialité du travail théologique, il imposa ses vues sur un dossier complexe. Le pape demanda à Joseph Ratzinger son fidèle bras droit à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de lui composer un texte. Intitulé « lettre aux évêques de l’Église catholique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles », ce dernier modèle jusqu’à aujourd’hui l’enseignement du Vatican à l’égard des personnes homosexuelles.
Au cœur de l’argumentation, on trouve cette expression d’un désir homosexuel comme « intrinsèquement désordonné ». La distinction actes/personnes qu’elle pose conduit à proposer aux homosexuels catholiques comme seule échappatoire le célibat et l’absence de rapports sexuels. Cela n’efface d’ailleurs pas le fait que, dans ce texte, c’est bel et bien l’inclinaison en elle même qui est mauvaise.
On retrouvera cette même intransigeance dans le Catéchisme de 1992 de l’Eglise catholique et elle est à l’origine de bien des mobilisations contre les unions civiles et le mariage homosexuel que l’on connaîtra ultérieurement. S’enracine donc dans le pontificat du pape polonais l’une des ruptures majeures entre la société et les catholiques, du moins en Occident. Comme sur d’autres enjeux de genre et de bioéthique, Jean Paul II fait basculer à ce moment là l’Eglise dans l’intransigeance, quand bien même de nouveaux mouvements, aidés par certaines évêques et théologiens s’efforçaient à tracer de nouveaux chemins.
Comment croire un pape, et sa suite l’Eglise, qui met en avant les droits des hommes et des femmes et l’amour de Dieu pour tout être humain mais qui condamne les personnes homosexuelles, à cause de ce qu’elle sont, à une vie de pénitence ? Le Pape François, suite à deux synodes sur la Famille essaie de corriger le tir… Timidement.
Pour en savoir plus sur Jean Paul II et découvrir des aspects moins connus d’un saint que certains ont souhaité voir canonisé en urgence au prix d’une série de difficultés dans l’Eglise catholique aujourd’hui :
Christine PEDOTTI et Anthony FAVIER, Jean Paul II, l’ombre du saint, Paris, Albin Michel, 330 pages.
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