Ce 25 mars 2005, au Colisée, le pape est absent pour la première fois de son pontificat du traditionnel chemin de croix. C’est le cardinal Ratzinger qui mène la cérémonie tandis que Jean Paul II se meurt au Vatican. A la neuvième station, celle où on commémore la chute de Jésus, le fidèle serviteur du pape médite sur les innombrables « souillures dans l’Église » et « particulièrement parmi ceux qui dans le sacerdoce devraient lui appartenir totalement »… Ratzinger, malgré sa fidélité et son admiration sans faille pour le pape, n’est ni sourd ni aveugle concernant l’état de l’Église catholique à la fin de son règne. On assiste alors à une multiplication de révélation en France, à Boston aux États-Unis et en Irlande… Des commissions d’enquêtes commencent à rendre leurs travaux et les victimes à briser la loi du silence.
Pourtant l’entourage immédiat du pape et le puissant secrétaire d’État le cardinal Sodano continuent à faire le gros dos se disant que la tempête cessera bien. Mais une vérité plus terrible commence à émerger, et même dans la tête des fidèles les plus dévoués. Il se pourrait que le système clérical ait hébergé en son sein, non pas quelques brebis galeuses, mais un réseau de prédateurs parfois aidés et protégés pas l’institution. La vocation a-t-elle été un refuge pour des psychologies malveillantes ? L’idéalisation de la figure du prêtre a-t-elle freiné le moyen de les contrôler ? Pour Joseph Ratzinger, ce soir-là, l’Église est en tout cas à l’image de la barque de Jésus et de ses disciples sur le lac de Galilée, prête à sombrer. Il s’agit d’un « naufrage ».

Huit jours plus tard, le samedi 2 avril 2005, le décès de Jean Paul II sera annoncé. A l’issue d’un pontificat mené comme une cavalcade vers l’an 2000 et au-delà, que retenir ? Le pape est devenu une star mondiale qui a rempli les stades et redonné de l’élan à une Église engluée dans l’après concile. Sur le plan international, les 1 500 personnalités politiques qui viennent aux funérailles révèlent la stature et l’importance du personnage… Mais le bilan nécessaire n’a-t-il pas été escamoté en criant trop fort et trop vite « Santo subito » ? Joseph Ratzinger, élu successeur de Jean Paul II, en fera les frais avant de jeter l’éponge : problèmes de gouvernance de la curie, scandales fincanier, dissimulation de crimes pédophiles.
Aujourd’hui, 15 ans après la disparition du géant du 20ème siècle que fut Jean Paul II, la situation semble tout aussi dramatique. D’une certaine manière, un premier bilan fut dressé après la renonciation de Benoît XVI. En choisissant Jorge Bergoglio, un cardinal venu du Sud, les cardinaux réunis en conclave semblent avoir tourner le dos, du moins pour un pontificat, au rêve d’un retour de puissance. L’hostilité d’une partie des membres de la Curie ou la fronde menée, aux États-Unis notamment, par des franges conservatrices de l’épiscopat montre que ce choix n’est pas au goût de tous. Devant les remises en cause du pontificat de Jean Paul II on parle désormais de faire saints ses parents, son mentor le cardinal Wyszynski et le proclamer pas moins que « Docteur de l’Église »…
Derrière l’homme, c’est bien un pape – et ses choix ecclésiaux et pastoraux – qu’on veut canoniser par peur qu’ils soient remis en cause.
Pour en savoir plus sur Jean Paul II et découvrir des aspects moins connus d’un saint que certains ont souhaité voir canonisé en urgence au prix d’une série de difficultés dans l’Eglise catholique aujourd’hui :
Christine PEDOTTI et Anthony FAVIER, Jean Paul II, l’ombre du saint, Paris, Albin Michel, 330 pages.
Disponible en magasin : la Librairie, la Procure, la FNAC, Cultura, Amazon et dans toutes les bonnes librairies ! Et pour les « fans », le site Témoignage chrétien propose des exemplaires dédicacés.