Karol Wojtyla, futur Jean Paul II, est ordonné prêtre le jour de la Toussaint 1946 dans une Pologne traumatisée par une occupation d’une incroyable cruauté. Sa formation au séminaire fut, à l’image de son destin ultérieur, hors norme. Elle s’est effectuée en secret, après que le jeune homme eut été soustrait au travail forcé dans une usine, et s’est déroulée sous la menace permanente d’une descente de police qui signifiait la mort pour tous. Si l’archevêque Sapieha a pris tant de risques c’est qu’il sait qu’après le massacre d’un nombre incalculable de prêtres par les nazis, qu’il aura besoin de cadres pour reconstruire une Eglise qu’il conçoit comme l’âme de la Nation polonaise. La vocation de Karol Wojtyla a assurément une part de mystère irréductible, que les explications psychologiques liées à l’enfance et ses traumatismes n’épuisent pas. Elle est aussi le fruit d’un moment inédit de l’histoire contemporaine où le sacerdoce a été vu comme le roc de l’opposition au totalitarisme.

Jean Paul II n’eut de cesse de revenir théologiquement sur la question de la prêtrise. Il conçoit un sacerdoce qui fait du prêtre un « alter Christus« , un autre Christ, intermédiaire unique entre Dieu et les hommes. Ses références sont enracinés dans la longue culture catholique : François de Sales, Jean Bosco, Maximilien Kolbe et, bien sûr, le curé d’Ars. Le renouveau de Vatican II qui place le prêtre au sein des communautés comme ministre de la Parole est une dimension qui ne l’intéresse guère, de même que les expériences type « prêtre ouvriers » qui tendent à désacraliser la fonction par le travail et une vie plus ordinaire.
Jeune évêque, il sera le témoin de la crise du sacerdoce des années d’après-Concile. Inlassablement, il fera partie des défenseurs de la discipline du célibat. Partisan de la visibilité sacerdotale et d’une pastorale énergique des vocations, qu’il réclamera en tant que pape aux évêques en visite à Rome, il refusera tout débat ouvert avec les collectifs féministes catholiques et les théologiens sur la question des femmes et des ministères ordonnés.
Quelques décennies plus tard, alors que dans bien des lieux, sont apparus les ravages des abus de ce que François dans sa Lettre au peuple de Dieu appelle lui-même le « cléricalisme », que les vocations semblent se tarir, même dans les pays longtemps épargnés par la crise comme la Pologne, n’y a-t-il pas là une responsabilité à questionner? « Saint Jean Paul II » n’a-t-il pas engagé l’Eglise catholique dans une passe dangereuse et de laquelle il sera difficile à sortir ?
Pour en savoir plus sur Jean Paul II et découvrir des aspects moins connus d’un saint que certains ont souhaité voir canonisé en urgence au prix d’une série de difficultés dans l’Eglise catholique aujourd’hui :
Christine PEDOTTI et Anthony FAVIER, Jean Paul II, l’ombre du saint, Paris, Albin Michel, 330 pages.
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