
Jusqu’à ce voyage aux USA, Jean Paul II n’a pas fait de faux pas. Les voyages du nouveau pape s’enchaînent avec succès : au Mexique, les évêques acquis à la théologie de la libération ne l’ont pas fait trébuché ; en Pologne, il a commencé à soulever le joug de la domination soviétique ; et voilà que les États-Unis l’accueillent avec enthousiasme. Mais aux derniers jours de son périple triomphant, dans la basilique de l’Immaculée Conception de Washington, pour la première fois, quelqu’un se dresse sur son chemin. C’est sœur Teresa Kane, supérieure des Sœurs de la Pitié. Elle s’exprime alors en tant que présidente de la Conférence générale des religieuses américaines : « les religieuses des États Unis ont répondu de manière obéissante aux efforts de renouveau réclamés par l’appel de Vatican II ». Mais, en conséquence de ce renouvellement, la religieuse n’ose rien moins que de demander « d’inclure les femmes en tant que personnes dans tous les ministères de l’Église ». L’atmosphère est glaciale et le pape, qui ne desserre pas la mâchoire, élude la proposition et répond en rappelant l’importance du costume religieux…
Ce voyage aux États-Unis de 1979 révèle bien les ambivalences du pontificat qui s’annonce. D’un côté, le Times Magazine titre « Jean Paul II superstar » et de l’autre les questions graves et en suspens depuis la fin du concile sont écartées comme nulles et non avenues. Les crispations sur les mœurs, la bioéthique, la question des ministères ou les règles de gouvernance dans l’Église apparaissent dès les premiers pas du nouveau souverain pontife. Mais sa manière de faire, les rassemblements qu’il suscite et la façon dont il fait du voyage pontifical un outil pastoral et diplomatique détonnent.
Jean Paul II est, comme Margareth Thatcher et Ronald Reagan un personnage de ces années 1980, qui voient l’affirmation de forces conservatrices. Après des décennies de recul dans le monde des médias et de la culture, il s’agit de regagner le terrain perdu. Pour autant, les catégories de gauche et de droite ne sont pas pertinentes pour comprendre la pensée d’un pape qui sut condamner autant le marxisme que les excès du capitalisme. En érigeant une « raison d’Église » Jean Paul II cherche, avant tout, à mettre fin au temps du doute à l’intérieur du catholicisme et à promouvoir, via son charisme personnel, une théologie de la puissance sans délibération collective. Rétrospectivement il aurait été sans doute été préférable d’écouter sister Kane.
Pour en savoir plus sur Jean Paul II et découvrir des aspects moins connus d’un saint que certains ont souhaité voir canonisé en urgence au prix d’une série de difficultés dans l’Eglise catholique aujourd’hui :
Christine PEDOTTI et Anthony FAVIER, Jean Paul II, l’ombre du saint, Paris, Albin Michel, 330 pages.
Disponible en magasin : la Librairie, la Procure, la FNAC, Cultura, Amazon et dans toutes les bonnes librairies ! Et pour les « fans », le site Témoignage chrétien propose des exemplaires dédicacés.